En 1974 un jeune artiste nommé Rich Buckler allait frapper un grand coup dans l’univers des comics.
http://en.wikipedia.org/wiki/Rich_Buckler
Fasciné par les personnages de zombies et passionné par la science fiction, Buckler développe un ambitieux projet : créer une sorte d’anti-héros qui serait à la fois laid et schizophrène et qui évoluerait dans un futur alternatif.
Avec l’aide du scénariste Doug Moench (Moon Knight), Buckler affine un peu plus son personnage : ce sera un cyborg et de surcroît un tueur et il portera le nom de DEATHLOK
Le mot "cyborg," (qui signifie "organisme cybernétique") est une expression qui aujourd’hui nous est familière, mais c’est au début des années 70 que tout a commencé. L’écrivain Martin Caidin avec son roman de science fiction : CYBORG avait ouvert, deux ans plus tôt, la voie à Buckler.
http://www.culture-sf.com/biblios/caidin.php
Pas facile pourtant de pousser les portes de Marvel avec le projet d’un héros à moitié fou et dont le corps en décomposition est plus proche de celui d’un cadavre que des habituels culturistes au visage d’apollon de la BD américaine. Mais le génie de Buckler c’est précisément d’avoir modifié les codes habituels de la BD.
Apparu dans Marvel Astonishing Tales # 25 (août 1974) Deathlok allait s’avérer être une série possédant le défaut de ses qualités. Profondément moderne elle aura au final autant séduit que déconcerté son public. Deathlok est-il apparu trop tôt dans le monde de la BD ? A-t-il été victime de l’incroyable richesse de son scénario qui a poussé les auteurs à aller trop loin au détriment parfois d’une narration limpide ? Y avait-il trop de niveaux d’analyse dans cette série ?(développement des nouvelles technologies, montée en puissance des complexes militaro-industriels, contrôle des individus dans une société de plus en plus surveillée, course à l’armement, questionnement autour de la génétique, du clonage etc…)
Deathlok ratera de peu le rang de chef d’œuvre pour accéder au simple statut d’œuvre estimable. Au fond ce demi échec était prévisible dès le départ :
Deathlok n’est-il pas précisément un être déchiré entre l’amour et la haine ?
Certes aux Etats-Unis Deathlok remporte tout de même un certain succès mais l’adhésion des lecteurs n’est pas aussi totale qu’elle peut l’être pour des personnages plus politiquement correct comme spiderman. En Europe, en revanche c’est pire puisque le personnage de Deathlok est à peine connu du grand public (chez nous il est notamment apparu dans spécial strange et dans la série comics pocket Frankenstein dans laquelle il porte le nom de cyberman).
Je vous propose donc de feuilleter à nouveau le dossier Deathlok
Les origines de Deathlok :En 1983,dans une réalité alternative de notre monde, la terre a été dévasté par une guerre mondiale. Dans cet univers post apocalyptique un soldat cybernétique connu sous le nom de Deathlok a reçu pour mission d’abattre deux hommes. Mais tandis que l’ordinateur implanté dans sa tête lui intime l’ordre de remplir la tâche qui lui a été confié un flash back lui revient en mémoire.
Il fut un temps où Deathlok était un homme, il s’appelait alors Luther Manning et il avait le grade de colonel, c’était le militaire le plus décoré de sa génération. Mais atrocement brûlé au visage et ayant eu un bras arraché par l’explosion d’une bombe, il perdit la vie. Pourtant son corps fut conservé et sous la direction du major Ryker il fit l’objet d’une expérience top secrète ayant pour but de créer des soldats cyborgs. Le projet Alpha-Mech prévoyait en effet d’implanter un micro-ordinateur dans les cadavres des militaires tués au combat, mais afin d’éviter un rejet de la greffe une portion du cerveau de Manning fut conservée. Son corps subit également des modifications, grâce à des implants cybernétiques sa force est décuplée et il est doté d’un pistolet laser de haute précision. Enfin sa vision est modifiée au moyen de capteurs à infra rouge.
Officiellement le gouvernement des Etats-Unis dispose d’une machine de guerre parfaite. Pourtant au cours de ces précédentes missions Deathlok a déjà connu des dysfonctionnements. Petit à petit la part d’humanité qui est en lui refait surface et combat la machine qui prétend le commander. Ryker s’en aperçoit et veut reprogrammer Deathlok mais il est trop tard Manning à réussi à redevenir lui-même. Seul son corps de cyborg lui rappelle qu’il n’est cependant plus le même qu’avant.
Bien décidé à se venger de celui qui est responsable de tout ça, Deathlok se retrouve face à son meilleur ami Mike Travers, victime lui aussi des expériences de Ryker et programmé sous le nom de War Wolf. Le combat de cyborgs qui s’engage alors tourne à l’avantage de Deathlok. Ryker de son côté réussi à s’enfuir, tandis que Deathlok trop grièvement blessé et éprouvé par la mort de son ami, renonce à le poursuivre. Totalement perdu Deathlok décide d’aller voir la seule personne qui peut encore l’aider : sa femme. Mais cette dernière épouvantée, par l’aspect de celui qui fût son mari, le rejette. Deathlok en homme libre décide de mettre fin à ses jours, mais la machine qui est toujours en lui reprend le dessus et l’empêche de se suicider. Deathlok n’est plus qu’une caricature d’humain et le reste de conscience qui est encore en lui est juste là pour lui rappeler toute l’étendue de son malheur…
Désemparé Deathlok erre dans les rues de New-York dévastées et peuplées de mutants radio actifs et cannibales. Pendant ce temps Ryker qui n’est en fait lui-même qu’un autre cyborg (le premier cyborg crée par le programme Alpha tech) décide de se raccorder à l’ordinateur central du gouvernement afin de contrôler le pays tout entier.
De son côté Deathlok se retrouve face à des révolutionnaires qui veulent renverser les autorités militaires. Il apprend alors qu’un des trois chirurgiens ayant prit part à son opération est encore en vie. Ryker a certes fait exécuter les deux autres mais le troisième est quelque part dans New-York. Persuadé que le Dr Wilcox est capable de l’aider Deathlok se lance à sa recherche.
La piste du chirurgien amène Deathlok dans une propriété à Long Island. Mais à l’intérieur de la villa il découvre un clone de lui-même ! Ce dernier a été conçu par un certain Hellinger. Bien que Deathlok se méfie de Hellinger, il décide de passer une alliance avec lui. En effet Hellinger lui a expliqué qu’il a été contraint de travailler sous la menace de Ryker à la fabrication de supers soldats, au cours d’une opération Hellinger à été contaminé par des radiations, il demande donc à Deathlok de le venger de Ryker.
En réalité, Deathlok sans le savoir va une nouvelle fois être manipulé. Hellinger n’est en réalité qu’un autre cyborg (le propre frère de Ryker) et il veut se servir de Deathlok pour détruire le quartier général des révolutionnaires en lui faisant croire qu’il s’agit de la base secrète de Ryker. Hellinger déteste certes son frère mais il souhaite autant que ce dernier gouverner le monde !
Pendant ce temps, Ryker a réussi sa fusion avec l’ordinateur central du système de défense du pays. Devenu omnipotent il se lance dans un terrible combat avec Deathlok. Les multiples mutations de Ryker finissent cependant par le faire sombrer dans la folie.
De son côté Deathlok découvre toute la vérité sur Hellinger. Mais le plan machiavélique de Hellinger ne s’arrête pas là : il a en outre transféré l’esprit du Dr Wilcox dans le clone de Deathlok sur lequel il a placé une bombe afin de les détruire tous les deux.
Deathlok parvient à déjouer le piège que Hellinger lui avait tendu. Désormais persuadé que son esprit pourra être transféré dans le corps de son clone, Heathlok semble sur le point de redevenir humain. Mais au lieu de lui témoigner de la gratitude pour avoir sauvé les autorités des tentatives de coup d’état de Ryker et de Hellinger, ces derniers procédent certes à une opération sur Deathlok mais pas exactement de la nature souhaitée par ce dernier. En effet, en réalité l’esprit de Deathlok n’est pas transplanté vers celui du clone, il est juste copié. En sorte qu’à son réveil Deathlok se retrouve inchangé, à ceci près que son clone est désormais en possession de la copie exacte de son cerveau dupliqué !
La CIA n’en a pas fini avec Deathlok, celui-ci en effet fait toujours l’objet d’un chantage sur la possibilité de redevenir humain, en échange de « services » qu’il doit rendre au gouvernement.
A la surface, le cannibalisme fait rage dans la ville de New York. Terré dans des périmètres de défense, les autorités décident d’envoyer Deathlok faire le ménage.
Alors qu’il exécute sans état d’âme la mission qui lui a été confiée, Deathlok se retrouve face à Spiderman (ce dernier perdu dans un voyage temporel a échoué dans le monde de Deathlok). Le tisseur voyant Deathlok sur le point d’ouvrir le feu sur des gamins se jette sur lui. Conscient de sa méprise lorsqu’il découvre que les enfants ne sont en fait que des mutants radioactifs et cannibales, Spiderman écoute le récit que lui fait Deathlok de ce qui sera l’un des futurs possibles de la Terre. Profondément bouleversé Spiderman réussi à rejoindre notre époque, tandis que Deathlok continue de errer arme au poing dans les rues de New-York.
A partir de cet épisode, Deathlok est déjà depuis bien longtemps en perte de vitesse auprès des lecteurs. L’idée d’un crossover avec spiderman s’est imposée dans l’esprit des gens de Marvel qui pensent ainsi redonner un nouveau souffle à cette série. Dès lors Deathlok, avec des raisons, plus ou moins claires, sera amené à faire des voyages temporels.
De l’œuvre initiale de Buckler, on dérive donc vers autre chose. Deathlock n’étant plus qu’une sorte de Guest-star chez Marvel
Curieusement ce personnage censé être la marionnette du gouvernement devient celle de sa maison d’édition ! C’est donc à un personnage résolument sans âme que nous allons avoir affaire. La rencontre avec Spiderman ayant fourni le prétexte pour permettre aux scénaristes de faire débarquer Deathlok à notre époque.
Les séquelles de Deathlok :Deathlok aura marqué son époque, et ce n’est sans doute pas un hasard si les programmes de la télévision américaine programment ensuite une série dont le héros est précisément un ancien colonel victime du devoir et dont le corps va être réparé bioniquement dans quasiment les mêmes zones que Deathlok (yeux, bras, oreilles). Mais the six million dollar man (l’homme qui valait trois milliards) aura retenu la raison de l’échec de la série de Deathlok. Et Steve Austin sera lui, un bel homme dont le aventures seront de surcroît toujours politiquement correctes. Avec les années, le souvenir de Deathlok revient à l’esprit des dirigeants de Hollywood. Terminator a démontré que le public avait de l’intérêt pour les cyborgs et lorsque Robocop débarque sous nos écrans, c’est véritablement un peu de l’esprit de Deathlok que nous retrouvons : conflit entre l’homme (Murphy) et la machine (Robocop) au travers notamment des flash back (comme dans la BD), contrôle de l’individu par le gouvernement, explosion de la violence dans le futur, et montée en puissance des complexes militaro-industriels…
Outre le cinéma, Deathlok aura aussi influencé très fortement la BD. Ainsi cette série innove dans la mise en page : en nous présentant les pensées de Manning rédigées sous la forme d’un lettrage ordinaire, tandis que les réflexion de l’ordinateur sont montrés dans un style numérique. Le monologue intérieur est d’autant plus fort que fréquemment la planche est scindée elle-même en deux pour laisser part d’un côté à l’homme et de l’autre à la machine. Le dessaroi du personnage ou son absence d’espoir est parfois audacieusement montré (pour l’époque) sous forme de pages totalement muettes. Le style très cinématographique de Deathlok inspirera plus d’un manga high tech d'aujourd'hui, et un film sur Deathlok est même actuellement en préparation :
http://www.imdb.com/title/tt0365107/
Les autres Deathlok :Depuis l'origine, il y a eu plusieurs tentatives pour relancer Deathlok
La première série de Deathlok apparaît dans Astonishing Tales # 25 (août 1974) elle se poursuivra jusqu’au # 36 (juillet 1976).
Nous avons eu droit à la publication de ces numéros en France dans la collection comics pocket « Frankenstein »
Deathlok a ensuite fait des apparitions occasionnelles pendant le reste des années 1970 et pendant les années 80. On le retrouve par exemple comme invité vedette avec Spider-Man dans Marvel Team Up #46 (juin 1976) ou bien encore avec la chose dans Marvel Two in One #27 et #54 (mai 1977 & Août 1979) et enfin il apparaît dans Captain America # 286-288 (Oct.-Déc. 1983).
Là encore une partie de ces histoires a été traduite en France dans la revue Spécial Strange
Une nouvelle série Deathlok débute dans les années 90 elle se poursuivra jusqu’en 1994. Enfin en 1999 une mini série fait son apparition de septembre 1999 à juin 2000. il est à noter que Rich Buckler n’aura travaillé sur aucune des séries sorties dans les années 90.
Au final ce sont plusieurs Deathlok qui auront ainsi vu le jour : Michael Collins qui sera le deuxième Deathlok. Ce personnage d’origine Afro Américain, pacifiste de surcroît verra son cerveau implanté dans une machine à tuer pour le compte de Roxxon oil. Quant à Jack Truman, un ancien agent du Shield, il sera lui aussi modifié cybernétiquement en Deathlok.
Précurseur ? incompris ? Deathlok est une œuvre forte à redecouvrir…
Sujet : Deathlok
Objet : accès au dossier
Fin du programme…...
P.